Comment Israël parvient à neutraliser les dirigeants militaires du Hezbollah

Malgré le secret qui entoure l’appareil militaro-sécuritaire du Hezbollah, l’armée israélienne a enregistré des succès significatifs depuis le début des affrontements entre les deux adversaires le 8 octobre 2023. Le Hezbollah a perdu plus de 500 combattants, dont son commandant suprême, Fouad Chokor, tué le 30 juillet lors d’un raid aérien sur la banlieue sud de Beyrouth, le bastion principal du parti au Liban.

Entre mi-juin et début juillet, l’armée israélienne a éliminé Taleb Abdallah et Mohammad Nasser, les chefs de deux des trois unités territoriales déployées sur le front sud du Liban, qui s’étend sur 120 kilomètres de la côte méditerranéenne aux contreforts du Golan, occupé par Israël. Ces hauts responsables militaires occupaient des postes équivalents à ceux de généraux dans une armée classique.

En janvier, trois mois après le début des affrontements, Israël a enregistré son premier véritable succès avec l’assassinat de Wissam Tawil, un dirigeant important de la force d’élite al-Radwan, également déployée le long de la frontière avec Israël. Selon des sources bien informées, vingt-trois autres cadres militaires responsables d’unités de tir de roquettes, de lancement de drones ou de missiles antichars ont également été éliminés par l’armée israélienne ces derniers mois.

La plupart de ces assassinats ont eu lieu loin des lignes de front. Fouad Chokor a été tué alors qu’il se rendait pour la première fois en six mois dans un immeuble où il possédait un appartement et un bureau dans la banlieue sud de Beyrouth. Wissam Tawil visitait discrètement son village pour assister aux funérailles d’un cousin. Taleb Abdallah et Mohammad Nasser ont été abattus alors qu’ils revenaient du front après y avoir passé plusieurs mois.

Ces éliminations ciblées montrent que l’armée israélienne connaît bien l’identité de ces responsables militaires, qui restent inconnus du public libanais, et dispose des moyens pour les localiser.

Des experts militaires et sécuritaires libanais affirment que les succès israéliens sont dus à une synchronisation efficace entre les renseignements collectés sur le terrain libanais, grâce à des ressources humaines et des technologies avancées développées ces dernières années. « Les Israéliens utilisent la surveillance des téléphones mobiles, les techniques de reconnaissance faciale, les drones et les satellites dans leurs opérations d’espionnage », explique Riad Kahwagi, fondateur et directeur de l’Institut d’analyse militaire du Proche-Orient et du Golfe (Inegma), dans une interview accordée au quotidien saoudien Ash-Sharq al-Awsat début août.

Cependant, les experts s’accordent à dire que ces technologies ne sont efficaces que grâce aux données personnelles sur l’identité des membres du Hezbollah, leurs lieux de résidence, numéros de téléphone, véhicules et endroits fréquentés. « Ce type de renseignement est principalement obtenu grâce à des réseaux d’informateurs actifs sur le terrain et des agents infiltrés au sein du Hezbollah », précise un responsable sécuritaire libanais.

Pour compliquer la tâche des Israéliens, le Hezbollah a modifié ses protocoles de sécurité concernant les télécommunications, les déplacements et les lieux de résidence. Les téléphones portables sont désormais interdits sur le front, les combattants sont sommés de ne pas utiliser les réseaux sociaux même en permission, et les déplacements à moto ont été privilégiés par rapport aux véhicules motorisés.

Le Hezbollah et les services de sécurité libanais ont intensifié leurs efforts récemment pour identifier et neutraliser les réseaux d’informateurs qui fournissent à l’armée israélienne les renseignements nécessaires à la localisation et à l’élimination des cadres militaires du parti. Fin août, les services de sécurité libanais ont arrêté un ancien infirmier de l’hôpital al-Rassoul al-Ahzam, affilié au Hezbollah, accusé de fournir des informations sur les membres du parti et leurs lieux de résidence. Son interrogatoire a permis d’éclaircir les méthodes de recrutement des collaborateurs, les missions qui leur sont confiées et leur mode opératoire.

De nombreuses autres personnes suspectées de collaborer avec l’armée israélienne, dont des ressortissants syriens vivant au Liban, ont été arrêtées ces derniers mois. « La crise économique au Liban a plongé de nombreux jeunes dans la précarité, facilitant les recrutements via les réseaux sociaux. Même si nous avons réussi à neutraliser certains collaborateurs, nous savons que de nombreux agents et réseaux restent actifs à travers le pays », conclut le responsable sécuritaire.